
SAHARA : UNE AVENT-TURE
Que ce soit sur le plan géographique, spirituel ou intérieur, le désert est une expérience à vivre. Dans la Bible, c’est dans le désert que Dieu se révèle, nous attend, et nous propose de le rencontrer. On parle aussi de la « traversée du désert » pour des situations difficiles ou arides, qui conduisent souvent à une renaissance impensable…
Alors, pendant l’Avent, me voilà en plein désert, au cœur du Sahara. L’Avent, dans sa racine, évoque en effet le vent, l’aventure, l’événement, l’avenir. Il a les yeux pointés à l’horizon… Le vent ici fait marcher les dunes. Il permet d’entrer comme dans les fibres secrètes d’une aventure. Il creuse l’attente d’un événement, d’un avenir… Il creuse aussi au plus profond de soi-même. « Dieu a créé les terres avec les lacs et les rivières pour que l’homme puisse y vivre, » racontent les Touareg, « et le désert pour qu’il puisse retrouver son âme. » On comprend alors combien nous avons besoin d’un bout de désert, dans lequel nous réfugier pour nous retrouver.
Le désert transforme, affine, mûrit. Il peut être la source d’un nouveau départ. Il peut être propice à une rencontre. Pour beaucoup, c’est la rencontre avec Dieu. Et ce sera, enfin, la grâce de l’Avent.
Nous sommes face aux dunes de Merzouga, les plus belles de tout le Sahara. Une beauté impressionnante. Des courbes très douces jusqu’à 200 mètres de hauteur, elles se déploient sur une vingtaine de kilomètres, telles que des voiles au vent. Par lui elles se laissent toucher, caresser, ciseler, broder… avec une légèreté et une disponibilité incroyables. Par le soleil et les nuages, elles se laissent revêtir de toutes les nuances : des tonalités ocre, orange, jaune doré, marron, marron foncé… Spectacle unique ! Le sable rouge, une mer de grains de sable infinis, se fait douce invitation en plein hiver, sous le chaud soleil d’ici, à marcher longtemps pieds nus… Cela semble nous rappeler que « dans le monde, on peut être qu’une seule personne, mais pour une personne, on peut être le monde. »
Et le désert vous donnera la notion d’immensité, de temps et d’éternité. La promesse du prophète Osée résonne dans l’air : « Je te conduirai au désert et là je parlerai à ton cœur ». Les textes bibliques regorgent d’images et d’évocations de déserts traversés, habités, abandonnés. Lieu de peurs et de tentations. Mais aussi de prière et de ressources spirituelles invisibles. Abraham, Moïse, tous les grands prophètes sont des hommes du désert. C’est dans le silence et la solitude que Dieu leur a parlé. C’est au pays de la soif – des espaces intemporels – qu’il a révélé son nom.
Le silence est le grand protagoniste de cette immensité. « Le silence ne pose pas de questions, mais il peut nous donner une réponse à tout », note Ernst Ferst. Dans cette dimension, l’homme trouve son partenaire privilégié : Dieu lui-même. Le désert vous mettra donc en prière. Parce que Dieu est l’ami du silence. « Et le silence illumine l’âme », écrit Khalil Gibran, « il murmure aux cœurs et les unit. Le silence nous éloigne de nous-mêmes, nous fait naviguer dans le firmament de l’esprit, nous rapproche du ciel. Il nous fait sentir que le corps n’est qu’une prison, et ce monde est un lieu d’exil ».
D’ailleurs, on a peut-être souvent entendu des personnes âgées répéter « nous sommes entre les mains de Dieu ». Si on grandit dans cette conscience, on incarne alors pleinement l’enseignement de Charles de Foucauld, l’apôtre du désert. L’abandon à l’Autre est un hommage au silence dans la foi. Se sentir protégé entre les mains de quelqu’un qui nous aime nous soulage de nombreuses peurs ou angoisses. Et, comme premier fruit, cela apporte la paix. Tout devient grâce. Dans le silence de l’âme.
Si ici on regarde autour, on comprend comment tous les hôtels face au désert se rempliront bientôt. Il y a une sorte d’avidité de passer la fin et les premiers jours de l’année parmi les sables du Sahara. Pouvoir, ainsi, voir la nouvelle année naître comme un miracle naturel…
Maintenant, au temps d’Avent, enveloppée dans l’obscurité la plus noire, voilà notre longue attente au petit matin, au sommet des dunes. Les yeux sont ouverts comme les fenêtres de la maison. Nous contemplons, instant après instant, la naissance du jour. Un événement, ou plutôt un enchantement qui remplit la vue, l’esprit et le cœur. La respiration s’arrête. Tous les sens s’ouvrent comme étrangement en extase… On a l’impression de vivre il y a des millions d’années, aux origines du monde. De l’obscurité à la lumière !
Il semble, enfin, que nous assistions à la naissance du Christ, soleil de l’humanité. Après des siècles d’attente de la part des hommes, dans les ténèbres du doute, de la culpabilité, d’un obscur destin de mort… Chanté par les prophètes, attendu par les mères, rêvé par les vieillards, il vint enfin, un Homme. Un Sauveur. Celui que personne ne pourra plus jamais oublier… Il a comblé, en vérité, l’Avent interminable de l’être humain. Et sa soif infinie de Dieu.
Renato Zilio