UN PRÊTRE AMÉRICAIN NOUS PARLE DE SA VISITE AU MAROC
En l’an 1777 le Maroc devint le premier pays du monde à reconnaître l’indépendance des treize colonies britanniques sur la côte atlantique du Nouveau Monde. C’était même avant que la France de Louis XVI les reconnaisse. À mon avis, sans le soutien du roi Mohammed III, il n’y aurait eu ni la victoire ni l’existence de ces nouveaux “états” indépendants destinés à devenir “Les États-Unis d’Amérique.”
Le traité américano-marocain est encore appliqué aujourd’hui. La France et le Maroc ont également une longue histoire ensemble et jusqu’à aujourd’hui ces deux pays maintiennent un rapport très proche et important. En tant qu’américain, je trouve que ce lien des trois pays est très intéressant.
Il y a un autre lien aussi, celle de la Foi Catholique, qui existe au Maroc. Donc, pendant la période du Carême de 2024 j’ai pris l’heureuse décision de me rendre, pour mon premier voyage en Afrique, au Maroc. Et je l’ai fait sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie…
C’était pour moi plutôt une odyssée spirituelle. Dans cette terre musulmane, j’ai découvert aussi la Sainte Église du Christ. J’ai rencontré des communautés catholiques et leurs églises, qui sont grandes, petites, nouvelles et anciennes. Le Maroc me semblait un pays qui reconnaît Dieu ouvertement et publiquement. En fait, c’est évident.
Après être arrivé à Casablanca en vol direct de Washington, accompagné par un de mes paroissiens, j’ai parcouru en voiture une partie du pays pendant deux semaines : Rabat, Fès, Ifrane, Beni Mellal, Marrakech, Ouarzazate et Essaouira.
À Rabat j’ai été accueilli par le bon Père Yves Grosjean, qui m’a invité à partager un couscous délicieux – un accueil aimable et culturel ! Nous avons visité l’église St.-François pour voir le tableau des proto-martyrs franciscains du Maroc. Le soir, j’ai concélébré la Messe dans la Cathédrale Saint-Pierre avec le Père Daniel.
Le matin suivant nous avons rendu visite aux Petites Soeurs de Jésus à Rabat, où nous avons célébré la Sainte Messe dans leur chapelle. Les sœurs maintiennent une présence chrétienne dans ce petit coin du monde musulman. Elles y ont établi de bonnes amitiés avec ses habitants. Après, on a vu la médina (l’ancien centre-ville) de Rabat, l’océan atlantique et des sites historiques, comme la tombe des rois marocains.
Nous avons continué vers la ville de Fès, où nous avons rencontré des amies étudiantes de l’université de médecine de Fès, qui nous ont accompagnés à la fameuse médina de cette ville fascinante. Le soir, le Père Matteo, d’Italie, nous a accueilli pour célébrer la Sainte Messe dans l’Église de Saint-François d’Assise à Fès. Nous avons logé dans un riad très beau ce soir-là, où nous avons expérimenté l’hospitalité marocaine.
Ensuite nous avons visité Ifrane, une ville pittoresque dans les montagnes de l’Atlas. Cette ville et ses environs ressemblent beaucoup à la Suisse.
Notre destination était le plein désert, mais nous avons voulu explorer aussi les montagnes. En passant la journée par une route avec des paysages grandioses nous sommes arrivés à Beni Mellal où nous avons trouvé un hôtel simple et de bon marché.
Puis, nous sommes allés à Marrakech. À l’Église des Saints Martyrs le Père Manuel Corrulon, d’Espagne, et les franciscains nous ont accueilli chaleureusement, et j’ai célébré la Messe à l’autel du Saint Sacrement. C’était à Marrakech que les fameux proto-martys du Maroc ont donné la vie en témoignage au Christ, il y a 800 ans. La communauté des frères et sœurs franciscaines travaille avec les pauvres, et particulièrement, depuis le tremblement de terre, avec des victimes. À Marrakech j’ai vu la richesse, mais aussi la pauvreté. La médina et les jardins de cette ville sont très beaux et plaisants.
La route dans les montagnes vers Ouarzazate est l’une des plus belles que j’ai jamais vu. On descend vers l’Est et le désert. Là-bas il y a le riad Dar Daif dont le propriétaire est français, Jean-Pierre Datcharry. L’endroit est merveilleux, la cuisine est délicieuse et les employés sont très professionnels.
Le Dimanche, le Père Éric Maier m’a invité à célébrer la Messe communautaire en son absence à l’Église Sainte-Thérèse. Le Roi Mohamed VI a rendu visite à cette petite église pour rendre grâce à la communauté catholique pour son dévouement aux pauvres et aux vulnérables de son pays.
Après la Messe nous avons déjeuné chez Daniel et Thérèse Scoarnec et des amis paroissiens français qui habitent dans un quartier de Ouarzazate bien charmant. L’endroit, pour des raisons économiques, climatiques et de style de vie, attire des français retraités.
L’après-midi nous avons visité Ait Ben Haddou, un village berbère et très historique. Nous avons eu un guide berbère qui nous a montré l’alphabet berbère. Il nous a indiqué que les chiffres sont des vestiges des lettres grecques, donc, cela met en évidence l’influence chrétienne préislamique dans l’Afrique du Nord.
Le matin, notre guide berbère du nom de Mohammed nous a accompagné à M’Hamid, un petit village à la fin de la route vers le désert (il me semblait que c’était la fin de la Terre). En route vers M’Hamid ce jour-là, nous avons visité un petit village où les natifs font de la très jolie poterie. Les hommes font la poterie et les femmes la peignent avec des pigments de la région, obtenus à partir de fleurs et de minéraux. Dans le même village se trouve une maison de personnes en situation de handicap à côté d’une bibliothèque coranique ancienne. Puis nous sommes passé par la vallée du Draa avec des petites fermes et des milliers de palmiers.
Pour arriver aux dunes d’Erg Chegaga nous sommes partis en 4×4, mais les dromadaires nous attendaient ! Nous avons vu le coucher du soleil dans le désert, et nous avons dormi dans les tentes au bivouac. Le soir, nous avons écouté les tambours et les chansons des nomades autour d’un feu de camp. Le matin nous avons vu le lever du soleil sur les dunes. Quel spectacle, voir la mer infinie de sable! Quarante kilomètres à l’est c’est l’Algérie.
Il y a un lac sec dans la région avec des milliards de fossiles. On y voit des mirages, des acacias, des dromadaires qui déambulent librement sur les dunes. À distance, j’ai capturé une gazelle avec mon appareil photo. Et là-bas, au loin de la civilisation, c’était le silence! Un silence énorme, dans lequel on peut entendre la voix de Dieu. On comprend pourquoi les moines, comme le fameux Charles de Foucauld, voulaient se perdre dans le désert!
Hélas! Il fallait partir de ce désert fabuleux et mystique pour continuer notre voyage. Notre destination suivante était la côte atlantique, à Essaouira. Ce village n’est pas grand, mais il a un grand esprit. Nous avons logé au riad nommé “Les Terrasses d’Essaouira.” Au cœur de la médina, le riad est plein de fleurs, de canapés et de tranquillité. Les employés sont jeunes, polyglottes et sympathiques.
On peut explorer le village pendant des jours et y rester pour des semaines. Il y a la côte avec des vagues gigantesques qui frappent continuellement des rochers formidables, où on voit le coucher du soleil magnifique. J’y ai rencontré une professeure marocaine et son fils, habitants d’Essaouira qui nous ont fait un tour du village et un échange culturel très respectueux.
À Essaouira, on trouve aussi l’Église de l’Assomption et le Père Jean-Claude Gons (un prêtre français qui a passé sa vie au service du Christ au Maroc). Il nous a accueilli chaque jour pour la Sainte Messe et des conversations aimables. Cette église est unique au Maroc parce que c’est la seule qui continue de sonner les cloches, les beaux sons que nous avons pu écouter fréquemment durant notre séjour.
Finalement, nous sommes partis pour Casablanca. Cette grande ville est connue pour plusieurs raisons, entre autres la Grande Mosquée Hassan II, mais aussi la grande Église Notre-Dame de Lourdes.
En partant de la location des voitures à l’aéroport, un homme s’est approché de moi avec une demande: “Mon père, pouvez-vous me donner une bénédiction?” Je lui ai répondu, “Bien sûr, mais vous êtes musulman, je crois.” Il m’a dit, “C’est vrai. Mais j’ai entendu que les prêtres catholiques donnent les bénédictions, n’est-ce pas? C’est possible d’en recevoir une?”
Je voudrais dire que ce n’était pas très surprenant pour moi. J’ai rencontré des musulmans au Maroc qui ont un grand respect pour la religion, même la mienne. Cet homme, je crois, était pour moi un symbole de la gentillesse et d’ouverture de son peuple. Dans la Providence divine, il aurait été perçu comme un genre d’ambassadeur entre l’Amérique et le Maroc, entre la Foi Catholique et l’Islam. Son humble requête représentait pour moi, en tant que visiteur d’Amérique et prêtre catholique, un petit mais significatif geste de respect et d’amitié, voire de notre humanité commune.
Et ainsi j’ai terminé ma visite dans ce beau et aimable pays dans un moment de grâce lorsque j’ai mis les mains sur sa tête, et que j’ai prié le bon Dieu pour lui: “Per intercessionem Sanctae Mariae Virginis, benedicat te omnipotens Deus, Pater + et Filius + et Spiritus + Sanctus. Amen.”
L’Abbé François de Rosa, prêtre diocesain de la Virginie