PREMIER VOYAGE MISSIONNAIRE

Avez-vous déjà reçu, peut-être, une invitation qui vous transforme et vous laisse dans l’émerveillement et le bon souvenir… Pour moi, c’était un dimanche de juillet. Père Antarèze, curé de Settat, m’invita un jour dans sa paroisse pour présider une célébration. Nouvellement arrivé dans le diocèse, j’étais dans la joie de rendre ce service. La providence est fidèle… une fois à Settat, alors, il me propose d’y revenir pendant tout le mois d’août, le temps de son congé. J’ai répondu « oui » sans même savoir, à cet appel. Tout cela m’a beaucoup nourri, aidé, enrichi et appris.  «Quand seras toi à porter l’eau, tu te rappelleras la valeur de chaque goutte » dit-on dans mon village.

En fait, la ville de Settat est à plus ou moins 160 km de Rabat. Ainsi, toutes les fois je prenais le train: quelle ambiance dès la gare de départ ! Ne connaissant personne, ni maitrisant pas bien la langue locale et où j’allais, je me contentais de lire les panneaux d’affichage, un petit peu perdu… La gentillesse du personnel de service me frappait toutes les fois. Ne connaissant pas le dharija, je devais tenter ma chance pour voir si quelqu’un parlait en français. Mais j’étais conscient de m’adresser à des frères et sœurs musulmans, avec qui on partage la même humanité et que je voyais s’aider l’un l’autre à placer les bagages. En voyage, je découvrais comme une fraternité et une relation sociale de paix. Car « voyager ce n’est pas découvrir des nouvelles terres, mais avoir des nouveaux yeux » comme suggère quelqu’un.

À la paroisse une communauté toute jeune, majoritairement des étudiants subsahariens, m’attendait chaque dimanche. Engagés dans des activités paroissiales comme le nettoyage de l’église, le lectorat, les services à l’autel, le chant … ils me montraient une belle communion entre eux, un vrai sens de l’unité. Cela se voyait, aussi, dans le partage fraternel après la messe avec l’apéro. C’était l’occasion, en fait, – tout en grignotant des olives ou des cacahouètes – de partager expériences de vie, sourires, commentaires qui nourrissent l’esprit et la relation.

La situation difficile des migrants est un refrain quotidien au sein de nos échanges à Settat, aussi bien à Khouribga. Ils ont en eux l’espoir déterminé et désespérant d’arriver en Europe. Mais il y a une chose d’eux qui me touche personnellement : leur propreté corporelle, la joie sur leur visage, la participation active à la liturgie. À côté de cela, il y a aussi leur mystère. A Khouribga, une jeune famille nous partage son projet : traverser le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et partir vers l’Europe. Se lancer dans la mer et tenter leur chance. Ce n’est pas trop osé pour une jeune famille avec les problèmes actuels de migration, les discriminations que l’on rencontre, l’argent à dépenser sans compter…? Je m’interrogeais. Depuis, la question me tourne dans la tête, incompréhensible, presque absurde… « Se perdre, c’est apprendre la route. » Ce dicton de mon grand-père me revient, dans ce cas, sans cesse… La route, évidemment, de la vie.

Les après-midis de samedi à la paroisse tout est organisé : le football est au rendez-vous. Alors, tous au stade pour le match, après le temps toujours d’entrer en contact avec les marocains, pour solliciter le terrain, le ballon et d’autres services. Ainsi, dans le jeu, migrants et étudiants subsahariens formaient un seul corps : j’en étais ravi! Le football en fait nous apprend à gérer nos émotions, à savoir travailler en équipe, à collaborer, à écouter les propositions des autres et à les appliquer.

  « Si tu veux être sage, marche à côté des sages » dit notre savoir populaire. Je termine, enfin, mon service à la paroisse de Settat avec l’impression d’être différent. Les gens rencontrés, les expériences vécues, la joie, l’effort et l’espoir partagés m’ont fait grandir. On répète, en fait, chez nous : « Dans un voyage ce n’est jamais la même personne celle qui part et celle qui revient! » Inchallah!

p. Modeste TEBUKA, p.b.