LETTRE AU PEUPLE DE DIEU N°18

+Cristóbal, Cardinal López Romero, sdb

Archevêque de Rabat

Continuons à marcher ensemble !

Rabat, le dimanche 2 octobre 2022,

Chers frères et sœurs du diocèse de Rabat,
Comment allez-vous ? Avez-vous passez de bonnes vacances ? Êtes-vous déjà prêts pour commencer cette année dont le Seigneur nous fait cadeau?  Voulez-vous continuer à marcher ensemble, en faisant Synode, en communauté ? C’est après quelques mois que je m’adresse une autre fois à vous : le temps de vacances a été le facteur principal pour cette absence, mais pas le seul. Je commence pour vous souhaiter une année pastorale 2022-2023 très heureuse et féconde, pleine de joie et de courage ! Ces dernières semaines, la vie se réorganise dans les paroisses, après le temps de l’été, plus enclin au repos pour tous, particulièrement pour les étudiants après une année dense d’études et d’examens, à la découverte de régions du Maroc pour certains, au retour en famille pour d’autres. Et maintenant que travail, études, et activités diverses reprennent, il est bon de
voir où en est notre Synode.
Des personnes se sont interrogées : s’est-il perdu en cours de route ? est-il à l’arrêt ? Il est vrai que depuis la deuxième assemblée synodale du mois de mars, et la dynamique engagée à partir de l’automne dernier, un sentiment d’abandon a pu se faire sentir. Mais vous savez bien qu’à la fin du printemps les étudiants sont pris par les périodes d’examens et que l’exode de l’été empêche toute activité suivie jusqu’en septembre, voire octobre. Il en est ainsi du rythme de vie de nos communautés où tout se concentre finalement entre octobre et avril.

1.-S’émerveiller et rendre grâce
Si nous regardons le chemin parcouru ensemble lors de la première étape du synode, qui s’est superposé à celui du Synode de toute l’Eglise à travers le monde, il y a surtout de quoi s’émerveiller et rendre grâce. D’abord près de 600 personnes de 37 nationalités y ont participé, y compris des
personnes incarcérées et les deux communautés monastiques présentes dans notre diocèse. Et cela a été une expérience positive : se mettre réellement à l’écoute les uns des autres, se découvrir mutuellement, partager de la fraternité.

PREMIER FRUIT DU SYNODE : NOUS AVONS APPRIS À NOUS RENCONTRER POUR NOUS CONNAÎTRE ET À NOUS CONNAÎTRE POUR NOUS AIMER.

Pour beaucoup cela a été une expérience de communauté chrétienne et de communion très forte qui a permis de prendre conscience de la réalité de notre Eglise dans sa diversité nombreuse. Ce premier fruit devra être pris en compte dans l’avenir : si la célébration eucharistique qui rassemble la communauté est nourriture pour vivre notre vie chrétienne, se rencontrer pour partager, échanger, se connaitre, s’écouter, se réconforter, se soutenir, s’entraider est une nourriture également nécessaire pour donner de la profondeur à notre vie chrétienne et la déployer au milieu du monde marocain qui nous accueille. Nos communautés devront donc continuer à se nourrir conjointement et de la célébration des sacrements et de rencontres régulières et conviviales où chacun se met à l’écoute de l’autre, cherchant ensemble à mieux comprendre le monde d’aujourd’hui, dont ce pays du Maroc et ses attentes. 

Par ailleurs, si ces diverses rencontres ont mobilisé essentiellement les pratiquants réguliers, cherchons à élargir à d’autres le cercle de notre réflexion et de notre convivialité, aux personnes qui sont loin de l’Eglise ou s’en sont éloignés, aux personnes migrantes, aux personnes marocaines que nous côtoyons au quotidien… C’est tout le peuple de Dieu qui est appelé à marcher ensemble, ne l’oublions pas. Que les attentes et les besoins des chrétiens « du dedans » puissent rencontrer les attentes et les besoins des autres « du dehors ». Ainsi, nous serons vraiment le peuple de Dieu en marche vers son Royaume d’amour, de justice et de paix.

DEUXIÈME FRUIT DU SYNODE : PAS DE RENCONTRE SANS PRIER ENSEMBLE; TOUJOURS À L’ÉCOUTE DE DIEU QUI NOUS PARLE
Ensuite, les rencontres vécues ont également été des expériences de prière. Commencer par prier ensemble, change le regard et la relation à l’autre et relie la prière, notre vie et nos rencontres. Un sens nouveau jailli de notre « prier ensemble ». Nous avons également ressenti combien d’avoir pris du temps à laisser la Parole de Dieu nous réunir, nous a aidés à nous décentrer et à accueillir l’expérience de foi de ceux qui nous ont précédés dans la vie chrétienne. Ainsi la visite de Pierre à Corneille, au chapitre 10 des Actes des Apôtres, puis la lecture en continue, de Pâques à la Pentecôte, de tout le livre des Actes des Apôtres, lecture commentée jour après jour par des chrétiens divers de nos communautés. Ce fut une expérience forte et stimulante. Ce deuxième fruit devra également être pris en compte dans l’avenir : pas de rencontre sans prier ensemble et se mettre sous le regard et à l’écoute de Dieu, si nous voulons discerner et faire sa volonté, pas d’échanges et de réflexions sur notre vie et celle du monde, sans nous appuyer sur la Parole de Dieu et laisser l’Esprit nous inspirer ce qui convient pour notre vie d’aujourd’hui, ici au Maroc.

Vraiment quel beau chemin déjà parcouru ensemble !

Si certains ont pu regretter un manque de pédagogie, ou estimer l’envoi trop tardif des documents, ou encore ressentir de la complexité dans le langage, nous savons tous qu’une telle organisation et réflexion est aussi un apprentissage, afin que l’évènement ne soit pas l’exercice de quelques-uns, mais soit accessible à tous.

Le secrétariat général n’a pas démérité, et nous devons reconnaitre ensemble, que par-delà les difficultés normales liées à cet exercice nouveau qu’est le Synode, la dynamique qu’il a proposée nous a réellement mis en chemin. Je le remercie, une nouvelle fois, pour le beau travail mis en route et pour la sueur que cela a donné ses membres. En cette rentrée pastorale, le Secrétariat nous transmettra le bilan de la première étape, et nous donnera les éléments nouveaux pour poursuivre le chemin engagé.

2.-En route pour cette deuxième étape du Synode.

L’important est de continuer à marcher ensemble ! Avec la première étape nous ne sommes pas encore arrivés. Après le temps d’écoute, il nous faut maintenant entrer dans le vif du sujet et permettre à cette deuxième étape de réfléchir en profondeur notre manière de faire Eglise, d’être chrétiens ensemble sur cette terre marocaine. Nous le ferons aussi avec de nouvelles personnes qui nous rejoignent, mais aussi sans d’autres qui ont quitté le pays durant cet été, ce qui dit une réalité de notre Eglise qui est faite de gens de passage. Nous sommes invités à travailler 4 thématiques qui se sont dégagées de tout l’apport des compte-rendus de la première étape.

Une Eglise de passagers
Une Eglise servante des plus vulnérables
Une Eglise qui vit avec les musulmans au Maroc
Une Eglise qui rencontre les autres communautés chrétiennes, particulièrement les protestants

Des échanges des uns avec les autres il se dégagera peut-être encore d’autres points qui mériteront d’être pris en compte. Mais déjà, approfondissons ces thèmes, à la lumière de la Parole de Dieu et des textes de notre Eglise catholique qui disent comment être chrétien, mais aussi en scrutant comment des chrétiens qui nous ont précédés sur cette terre marocaine ont mené une vie selon l’Evangile. Afin de faciliter les temps d’échanges dans les paroisses pour cette deuxième étape, il est proposé de nous rassembler tous, un dimanche par mois entre décembre et mars. Il n’y aura pas d’autres rencontres en paroisse ce dimanche-là. Il sera également proposé d’aller visiter une autre communauté chrétienne, avec des réalités semblables, afin de contribuer à la réflexion et au discernement. En tout cas, les thèmes seront travaillés de sorte que se dégagent des propositions concrètes pour dynamiser notre « être chrétien au Maroc ». Nous pouvons déjà retenir les dates des 5 dimanches : 11 décembre, 15 janvier, 12 février, 5 mars, 26 mars. Les uns partent, d’autres arrivent. Les uns sèment, d’autres récoltent. Mais nous serons vraiment Eglise au cœur de ce pays si nous marchons et avançons aussi avec les souffrants, les lointains, les hôtes de ce pays. Faisons des choix qui disent que nous voulons une Eglise qui soit signe à la manière de Jésus et de l’Evangile. Nous ferons ensemble le chemin que nous pourrons, sachant que notre Eglise est humaine, fragile, inconstante, mais qu’elle est aussi l’Eglise de Jésus-Christ au milieu de ce monde lorsqu’elle est audacieuse, ouverte, priante, évangélique, et qu’elle accueille le souffle de l’Esprit.

Que le métissage du besoin des chrétiens de nos communautés à être pris en compte et l’ouverture aux autres, puisse donner le signe d’une Eglise où il fait bon vivre et s’aimer, chacun y trouvant sa place, personne n’étant laissé de côté. Oui, qu’en nous interpellant mutuellement, l’Esprit du Dieu vivant nous inspire et nous donne du souffle. Pour tout cela, le secrétariat général nous donnera les consignes pratiques pour nous remettre en route, après la 3° assemblée synodale des 15 et 16 octobre prochains. Lors de cette assemblée, tous les curés des paroisses seront convoqués à y participer avec les membres des différents Conseils, de sorte que tous se sentent concernés. Les prêtres aideront à ce que les différents groupes de partage dans les paroisses puissent se faire le plus largement possible. A nouveau, n’hésitons pas à y intégrer des gens loin de l’Eglise et aussi des personnes marocaines avec lesquels nous sommes en lien.

 

3.-L’essentiel est de continuer le chemin ensemble !

Elargissons l’espace de notre tente de la rencontre. Accueillons également, petit à petit, pour faire évoluer et grandir notre Eglise, les appels et le dynamisme du texte du pape François sur l’écologie, Laudato Si, qui visent à ce que notre vie, où que nous vivions, devienne plus sobre et tienne compte des enjeux de partage, devienne réellement servante et samaritaine, devienne sûrement évangélique et fraternelle. L’essentiel est de continuer le chemin ensemble. Allons de l’avant ! Que l’esprit de François d’Assise, que nous fêterons cette semaine, et ses intuitions pour
l’Eglise et le monde, nous aident à avoir un cœur nouveau et un esprit nouveau qui soient celui de Jésus et de l’Evangile. Alors notre Eglise sera signe pour tous du Royaume de Dieu qui vient à notre rencontre.

Paix et bien à tous. Fraternité pour tous. Je continue le chemin avec vous.