
+Cristóbal, Cardinal López Romero, sdb
Archevêque de Rabat
LETTRE AU PEUPLE DE DIEU Nº 11
Chers frères et soeurs,
Je tiens à vous écrire au sujet de la situation créée par le coronavirus dans le monde ; je le fais alors que je viens d’apprendre qu’un de mes frères, un salésien espagnol (que je ne connaissais pas), de 68 ans, vient de mourir en Espagne à cause du coronavirus. Mais je ne le fais pas à cause de cela, bien sûr, mais en pensant au bien commun et à la santé de tous.
Hier, vendredi, les autorités de notre pays ont décidé d’annuler, à partir de lundi, les cours et toutes les activités pédagogiques depuis les crèches jusqu’aux universités, sans exception. Cela concerne l’ECAM, mais aussi notre Institut Al Mowafaqa, nos centres culturels et nos activités de catéchèse, de catéchuménat, d’aumônerie, les groupes scouts, etc.
Aujourd’hui le Ministère de l’Intérieur a interdit toute réunion ou rassemblement de plus de 50 personnes, ce qui a de fortes conséquences pour la vie de nos communautés.
1.-PAS PAR PEUR, MAIS PAR AMOUR
Nous devons agir dans le respect le plus strict des normes édictées par les autorités, non pas par peur de nous contaminer, mais par peur de contaminer les autres, c’est-à-dire, par amour des autres. Nous devons penser au bien de tous, et cela réclame, comme a dit le Premier Ministre « une réponse avec sérieux, mais sans excès ni affolement »
L’annullation des rencontres que nous avions prévues et de la messe dominicale, selon les indications données plus bas, doit être vue comme un acte de solidarité avec l’humanité toute entière et comme un geste d’amour envers nos proches, voisins, collègues, copains, etc.
2.-NOS DÉCISIONS À partir de demain, dimanche 15 mars, et jusqu’à nouvelle ordre,
a.Tous les chrétiens sont dispensés du précepte dominical pendant tout le temps que durera cette situation.
b.-Les messes du dimanche seront célébrées par les prêtres sans peuple ; ils prieront pour toute la communauté et pour tout le monde. Le prêtre pourra être accompagné, en tout cas, de quelques personnes, par exemple, les catéchumènes qui doivent être baptisés à Pâques cette année, les religieuses ou d’autres prêtres concélébrants. Les petites communautés où les chrétiens sont très peu nombreux peuvent continuer normalement, toujours avec prudence et en prenant en considération les autres décisions ici indiquées.
c.-Il est fort recommandé de rester à la maison et de suivre la célébration de l’eucharistie du dimanche soit à la télévision, soit à travers les moyens dont nous disposons.
d.-Les messes en semaine sont maintenues, toujours en prenant soin de ne pas dépasser les 50 personnes. Ainsi ceux qui sentent fortement le besoin de recevoir la communion pourront le faire un jour ou l’autre de la semaine.
e.-En tout cas, nous prendrons la précaution de donner la communion à la main (la main n’étant ni plus ni moins digne que la langue) et de supprimer le geste d’échange de paix (qui n’est d’ailleurs pas obligatoire). On supprime aussi l’utilisation de l’eau bénite dans les bénitiers et on gardera une distance prudente entre les personnes.
f.-Pour le sacrement de la réconciliation, les salutations et les relations humaines en général on veillera à observer les indications de prudence données par les autorités de la santé et les experts.
g.-Les week-ends prévus (chorales et confirmands) seront reportés et les récollections de l’AECAM aussi.
Je vous invite aussi à faire preuve de créativité, par exemple :
-Mettre en valeur les CEB (Communautés ecclésiales de base) là où elles existent, comme lieu de prière et même pour les inviter célébrer la messe en semaine, à tour de rôle.
-Promouvoir la prière en famille, notamment le chapelet.
-Célébrer en semaine la messe dominicale (lectures, prières), en invitant chaque jour un quartier ou un groupe ou mouvement.
-Maintenir l’église ouverte pendant la semaine pour ceux qui, individuellement, voudront venir prier, et même recevoir la communion.
-Enseigner et promouvoir entre les difèles la pratique de la communion spirituelle.
-…etc, etc.
3.-INTENSIFIER LA PRIÈRE, VIVRE LE CARÊME
Heureusement pour prier nous n’avons besoin ni d’un endroit, ni d’un temps précis ; nous pouvons prier toujours et partout. C’est le moment de découvrir ou de recommencer la prière en famille et la rencontre personnelle avec Dieu.
Ce Carême que nous sommes en train de vivre nous invite à un jeûne dont nous n’avions jamais pensé : la privation involontaire de l’Eucharistie.
Il nous fait vivre littéralement l’invitation de Jésus au sujet de la prière : «Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 6)
Faisons-nous les uns les autres l’aumône de nous aider avec ces gestes de prudence.
Faire tout cela ce n’est pas un manque de foi en Dieu, un renoncement à nos principes ou une manière de décliner de nos responsabilités en tant que chrétiens. Il s’agit plutôt de pratiquer le dicton : « Aide-toi et le ciel t’aidera » Dieu nous a faits intelligents et responsables et nous devons faire de notre mieux pour défendre la Vie, en nous et dans les autres.
Les prêtres, les soeurs, les agents de pastorale de la santé, seront disponibles pour aller, s’il le faut, au chevet des malades pour leur porter la Parole de Dieu, la communion et la consolation.
4.-LES LEÇONS DE CETTE PANDÉMIE
« Pour ceux qui aiment Dieu, tout concourt au bien » (Romains 8, 28) La pandémie dans laquelle nous nous trouvons est un mal en elle-même… mais nous pouvons et nous devons en tirer profit. Nous devons apprendre à lire cet événement à la lumière de la Parole de Dieu, en sachant que Dieu est capable de tirer du bien, même en partant de nos péchés et du mal que nous faisons et organisons dans le monde.
Quelques pensées à ce sujet :
a.-Le coronavirus nous rappelle que nous sommes mortels, que nous sommes faibles, que l’homme n’est pas tout-puissant, que la technologie et la science ne peut pas tout résoudre… L’humanité reçoit une leçon d’humilité. Comme a dit le cardinal Rodríguez Maradiaga, « le coronavirus a mis à genoux un monde qui vivait installé dans la superbe».
b.-La pandémie nous fait constater à quel point nous sommes « un ». Le virus ne respecte pas les frontières et ne fait pas de différences entre un pays et un autre. Et les mesures qu’un pays prend, ont immédiatement des retombées sur les autres, sur l’économie mondiale, sur le commerce et les communications… Il n’y a pas de place pour l’égoïsme et l’individualisme : nous sommes dans le même bateau. Ou nous nous sauvons tous, ou nous sombrons tous ensemble. C’est une occasion pour vivre et faire preuve de solidarité, une occasion de nous sentir citoyens du monde et membres de la seule famille qui est l’humanité.
c.-Cette situation nous pousse à nous retourner vers Dieu et à Lui demander de l’aide, Lui qui veut que nous ayons la Vie et que nous l’ayons en abondance. Attention !!!, que personne ne mette la naissance de ce virus sur le dos de Dieu. Ce n’est pas Dieu qui a voulu cela !!! Ce n’est pas un châtiment de Dieu !!! Penser et dire cela relève presque du blasphème !!! Ne rendons pas Dieu responsable de ce qui nous incombe, de ce qui relève de notre style de vie, de notre façon d’agir, de notre organisation du monde.
Alors, revenons à Dieu dans la prière pour Lui demander de nous libérer de ce fléau, mais en prenant nos responsabilités, en agissant avec prudence, intelligence et fermeté, en mettant en jeu tous les moyens dont nous disposons.
d.-Nous vivons normalement en courant d’un côté et d’autre ; c’est mon expérience personnelle, mais je ne pense pas être le seul… La pandémie nous fait nous arrêter, nous oblige à rester à la maison, nous donne du temps pour nous mêmes et pour la famille…
Vous pouvez ajouter d’autres réflexions aux précédentes. L’important c’est de ne pas vivre cette situation en dehors de notre foi. L’important est de nous laisser interpeller et toucher, de tirer du profit spirituel d’un événement qui est, en lui-même, mauvais.
Que le Seigneur nous bénisse tous. Restons plus unis que jamais.