
Dimanche 17 septembre, à l’église d’ANFA (Casablanca), il régnait une atmosphère de fête. La communauté italienne et la communauté philippine ont souhaité célébrer le grand anniversaire de sœur Ersilia, fmm. Elle est apparue enfin, avec la noblesse et la sérénité d’une quadragénaire… bien qu’ayant 62 ans de plus. Oui, 102 au total ! La messe qui a suivi était présidée par le père Christophe, inspiré et polyglotte, et s’est conclue par un sympathique apéritif dans la cour, accompagné du chant « Tanti auguri a te ! » chanté à pleins poumons… et à plein cœur. Le tout mettant un point d’orgue sur la reconnaissance envers Dieu, Celui qui donne la vie en abondance !
Finalement, du haut de ses 102 printemps – presque une maîtresse en chaire – sœur Ersilia nous a fait part de sa grande leçon. Vivre, c’est un combat, et être vivant signifie avoir remporté une bataille longue et difficile ! « Son secret – a suggéré quelqu’un – c’est son sourire perpétuel, partout et… même maintenant ! » En définitive, un magnifique centenaire, à l’instar de celui célébré par sa Congrégation il y a à peine quelques années. C’était en 1912 : huit sœurs se sont installées au Maroc, un pays qu’elles n’ont jamais quitté. En plus de cent ans de présence, leur action sociale, éducative et médicale, inspirée par l’intégration, le dévouement et l’abnégation, a laissé des souvenirs impérissables et une reconnaissance profonde chez de nombreux Marocains de Meknès, Midelt, Marrakech et Martil, villes où elle a servie activement.
Ces gens se souviennent encore de cette sœur active et contemplative, telle qu’Ersilia, d’une douceur toute italienne, qui allait au marché avec son sac de paille, refusant tout ce qui était en plastique par adhésion à « Justice, paix et environnement ». Les nombreuses femmes de l’atelier de tapis de Midelt se souviennent également de la sœur qui partait à l’aube pour Meknès, achetant au souk la meilleure laine et tissant des liens avec tous ceux qu’elle rencontrait. Elle partageait passionnément en communauté son amour pour le prophète de sa terre, de sa région en Italie, l’auteur d’un célèbre et passionnant livre publié en 1848 : « Les cinq plaies de l’Église », Antonio Rosmini.
Aujourd’hui, elle pourrait discrètement nous souffler : « Vieillir ne me dérange pas, c’est un privilège que beaucoup n’ont pas eu… »
En réalité, ce qui nous est donné semble souvent acquis, mais même la vieillesse est un cadeau ! Un sage ajouterait immédiatement : « Dans la jeunesse, les jours sont courts et les années sont longues ; dans la vieillesse, les années sont courtes et les jours sont longs.«
Ainsi, cette religieuse peut vous confier que son grand âge ressemble à un jardin secret. Il fait partie de notre intimité et nous invite doucement à prendre soin de nous-mêmes. Bien que nous perdions beaucoup en vieillissant, des choses que nous ignorions avoir auparavant, il arrive, tout comme pour les amoureux, que nous redevenions des enfants… Et pourtant, même à cet âge, cette religieuse italienne continue son combat. C’est sa contribution à la « révolution de la tendresse« , comme l’appelle le pape François, une révolution spirituelle et désarmée.
Devenant alors le protagoniste de la conversion, désarmant les cœurs et permettant à chacun de reconnaître un frère en l’autre, en le contemplant avec le même regard compréhensif, tendre et miséricordieux que l’on a désormais à cet âge envers la vie et les enfants. En prenant soin des autres, nous avons affiné notre humanité. Aujourd’hui, nous pouvons être les maîtres d’un mode de vie paisible et attentif envers les plus faibles, car ce sont les doux, et non les agressifs ou les prévaricateurs, qui hériteront de la terre.
Ainsi, devenons un peu « des poètes de la prière« , comme le suggère également le pape François. Prenons plaisir à chercher nos propres mots, à récupérer ceux que la Parole de Dieu nous enseigne. Notre prière confiante peut accomplir beaucoup : elle peut accompagner les cris de douleur de ceux qui souffrent et contribuer à changer les cœurs.
À cet âge, ne se trouvant plus sur la vague de la vie mais derrière elle, « là où le passé s’agrandit et où le futur perd son infinité abstraite », le temps qui passe ne nous enlève pas seulement, il nous donne aussi quelque chose. Ce temps, enfin « vide », nous fait redécouvrir la valeur de l’amitié, du partage, de l’envie de sourire, de contempler, de goûter… En un seul mot, « la grande légèreté » : celle qui, à vingt ans, était un fait et qui est maintenant un état d’esprit. Nous vivons un temps d’attente, l’attente d’une rencontre espérée depuis toujours, avec une confiance insaisissable. Elle rend encore plus transparente la promesse de la véritable destination de la vie : une place à table avec Dieu, dans de nouveaux cieux et de nouvelles terres.
Renato Zilio
